Mindfulness - La pleine conscience et le rapport à la douleur

  • 01 Juin 2017
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Caroline Rusabana, qui organise des sessions de Mindfulness prochainement avec Therapeutia,

nous explique ce qu’est la Pleine Conscience et son lien avec la douleur.

 

Une forme de méditation que l’on peut qualifier d’active et de passive est la « pleine conscience ». Cette technique est particulièrement intéressante, car elle permet d’une part l’identification des sensations corporelles, mais aussi l’acceptation de la douleur quand celle-ci se manifeste. Quand les traitements n’agissent plus ou plus assez, quand la douleur est incontournable, quand la fuite ou le combat n’ont plus de sens, reste l’acceptation de ce que l’on à vivre comme voie à suivre .

La mindfulness, aussi appelée la pleine conscience, se fonde sur la conscience de l’expérience présente dans l’acceptation. Selon Jon Kabat-Zin, la pleine conscience désigne un état, une qualité de conscience qui émerge du fait de porter son attention, de manière intentionnelle, au moment présent, sur l’expérience qui se déploie moment après moment, sans filtre (on accepte ce qui vient), sans jugement (on ne décrète pas si c’est bien ou mal, désirable ou pas), sans attente (on ne cherche pas quelque chose de précis).

En plus d’autres nombreux bien-faits, la pleine conscience peut également être d’une aide précieuse dans la gestion de la douleur, allant des maux de têtes aux douleurs chroniques.

Face à la douleur, la plupart d’entre nous avons une réaction de combat, de paralysie ou de fuite, appelée également le système de réponse « fight, flight or freeze », qui est un système sophistiqué de réponse d’urgence, face au danger, que nous partageons avec tous les mammifères. Ce système est particulièrement utile lorsque l’on est réellement en danger et il a joué un rôle important tout au long de l’histoire de l’évolution de l’espèce. Mais face à certains types de douleurs, physiques mais également émotionnelles, cette réaction automatique de survie n’est d’aucune utilité.

L’une des réactions les plus communes à la douleur est le recours immédiat aux médicaments, ce qui témoigne d’un état d’esprit courant qui considère que les symptômes sont gênants et indésirables. Ils sont vus comme des menaces inutiles pour notre façon de vivre, qui doivent donc être supprimées ou éliminées dès que possible. Néanmoins, l’évitement de la douleur et la tentative de se sentir mieux à tout prix, maintient une variété considérable de désordres médicaux.

Une autre réaction assez partagée est l’aversion, le refus de cette expérience, et les histoires qui se racontent par rapport à la douleur (fuite dans le mental). Si vous avez une maladie chronique, il se peut que vous soyez préoccupé, peut-être même effrayé et déprimé par le changement que connait votre corps et par les problèmes à venir. Vous en venez donc à apporter beaucoup d’attention à vos symptômes, mais cette attention n’est ni utile ni thérapeutique.

Ces différentes réactions sont assez normales dans un premier temps, mais la pleine conscience nous propose une manière différente et plus saine de répondre à la douleur. Elle augmente fortement nos chances d’être attentif au respect de notre corps et des messages qu’il essaie de nous adresser.

L’une des invitations est de rester avec l’expérience directe que nous faisons de la douleur, de simplement l’observer sans partir dans toutes les histoires qui se racontent autour de la douleur. Le chemin de la pleine conscience est de nous accepter maintenant, tels que nous sommes, avec ou sans symptômes, avec ou sans douleur, avec ou sans peurs.

Au fur et à mesure de la pratique, il devient possible de voir que les sensations de douleurs en tant que telles sont distinctes de nos réponses d’aversions (pensées, constructions mentales, anticipations, appréhensions, peurs et autres sentiments négatifs à propos de la douleur), qui elles, viennent s’ajouter à la douleur. Cette réponse d’aversion ajoutée à la douleur constitue l’expérience de la souffrance ; la douleur x la résistance/l’aversion = la souffrance. Cette observation peut être incroyablement libératrice.

La pleine conscience peut également avoir un effet positif pour les personnes ayant développé une kinésiophobie (phobie du mouvement, du sport, d’activités physiques), ce qui leur permettra de reprendre une activité physique qu’il est important de maintenir.

En ramenant l’attention sur l’instant présent, l’anxiété anticipatoire qui alimente le cycle de la douleur est réduite. Des études montrent que chez les méditants confirmés, les réseaux neuronaux impliqués dans l’anxiété s’activent moins pendant les moments sans douleur avant que la douleur ne revienne (moins d’appréhension), et les régions liées au ressenti de la douleur reviennent plus vite à la normal une fois la douleur passée. D’autres études montrent que des personnes expérimentent un stimulus donné comme étant beaucoup plus douloureux lorsqu’ils ont peur que lorsqu’ils se sentent en sécurité. Donc nos inquiétudes par rapport à la douleur contribuent au cycle de la douleur non seulement parce que cela tend les muscles, bloque la circulation sanguine et l’oxygénation des articulations mais aussi parce qu’un muscle tendu  amplifie la sensation de la  douleur. La pratique de la méditation, qui peut changer notre attitude vis-à-vis de la douleur, peut pour cette raison nous aider à relâcher nos muscles et diminuer l’intensité perçue de la douleur en changeant notre relation à elle.

La pratique de la pleine conscience aide également les personnes à se sentir contenues, soutenues, portées. Le moment présent peut devenir un lieu de refuge plutôt qu’une menace à éviter.

L’on y découvre également, qu’en réalité rien ne reste immobile, stable, et identique à lui-même. Nos sensations, nos pensées et nos émotions viennent, nous traversent et disparaissent. La douleur est fluctuante, les sensations sont permanentes et tout le temps changeantes, ceci soutient le développement de la tolérance à la douleur et également aux émotions difficiles. La douleur est replacée au sein d’un tout plus vaste dans lequel il y a aussi des choses agréables. Cela permet de cesser de s’identifier à la douleur, ce qui atténue la souffrance et permet de reprendre gout à la vie.

L’une des choses que l’on apprend également à travers la pleine conscience est de faire la différence entre les domaines sur lesquels on peut avoir un contrôle et ceux sur lesquels il est contreproductif d’essayer.

La souffrance augmente du fait d’essayer de contrôler des choses qui sont en-dehors de notre contrôle, on y apprend à lâcher prise graduellement. L’on y fait souvent référence à la prière de la sérénité : « Donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d’en connaître la différence. »

Lorsque l’adversité devient une opportunité pour apprendre et grandir, la vie est enrichie.

Caroline Rusabana, Psychologue, Psychothérapeute

Références

Mindfulness and Psychotherapy, edited by Christopher Germer, Ronald Siegel, Paul Fulton

Au Cœur de la tourmente, la Pleine Conscience – Jon Kabat-Zinn